12 novembre 2023

Danish String Quartet

Danish String Quartet © Caroline Koren Raffnsøe

Biographie

Frederik Øland  -  violon
Rune Tonsgraard Sørensen  -  violon
Asbjørn Nørgaard  -  alto
Frederik Schøgen Sjölin  -  violoncelle

Le Danish String Quartet célèbre en 2022-2023 ses vingt ans d’existence, marqués par une profonde amitié entre ses membres et le plaisir de la musique partagée. Les trois membres danois du quatuor, Frederik Øland (violon), Rune Tonsgaard Sørenson (violon) et Asbjørn Nørgaard (alto), jouent ensemble depuis leur rencontre dans un camp d’été, alors qu’ils n’avaient pas encore atteint l’adolescence. Le Norvégien Fredrik Schøgen Sjölin (violoncelle) les rejoint en 2008. Le répertoire du Danish String Quartet allie les plus grandes œuvres du canon européen et le répertoire scandinave, du folklore à la création contemporaine. En témoigne l’un de ses plus récents accomplissements artistiques, un projet d’une durée de quatre ans nommé Doppelgänger. Celui-ci vise à mettre en parallèle des œuvres tardives de Franz Schubert et des créations originales des compositeurs renommés Bent Sørensen, Lotta Wennäkoski, Anna Thorvaldsdottir et Thomas Adès. De plus, la discographie du Danish String Quartet met régulièrement à l’honneur des compositeurs scandinaves contemporains tels que Carl Nielsen, Adès, Nørgård et Abrahamsen, ainsi que de la musique traditionnelle scandinave. Le Danish String Quartet est à l’origine de plusieurs initiatives artistiques promouvant la musique de chambre. Il a notamment créé le DSQ Festival en 2007, qui prend place dans des lieux de performance intimistes et inusités à Copenhague. Il a également lancé en 2016 la série de concerts Series of Four, animée par ses propres performances et celles de musiciens invités. Débuts au LMMC.

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Notes

Le temps de ce concert, le Danish String Quartet invite le public dans un théâtre inquiétant, dans lequel la frontière entre le spectacle et la réalité se fait de plus en plus ténue. La Chaconne en sol mineur de Henry Purcell plante bien le décor, comme le veut la pratique de la musique de scène dans le Londres de la fin du XVIIe siècle. La tonalité est certes mineure, mais la musique est vive et dansante. Nous sommes encore en territoire sûr. Pourtant, il est difficile d’ignorer les discrets appels de la mort, qui se font entendre en sourdine à travers le même tétracorde descendant que celui qui caractérise la lamentation de Didon dans Didon et Énée.

L’ambiguïté de caractère se prolonge dans le Quatuor à cordes en sol mineur, op. 20, no 3, de Joseph Haydn. Ici aussi, la tonalité mineure prend des allures étonnamment légères. Le premier mouvement présente de fréquentes interruptions suivies par un unisson appuyé, ce qui crée une conversation animée, pleine de suspensions. Le menuet du deuxième mouvement apparaît un peu plus grave, à travers des phrases de longueur irrégulière, se concluant sur une suspension ténue. Le mouvement lent donne quant à lui à entendre une alternance entre un motif hymnique guidé par le premier violon, et une ligne tout en cascades du violoncelle, au-dessus de laquelle les voix supérieures dessinent un firmament étoilé. Enfin, l’Allegro réaffirme la tonalité mineure, qui prend cette fois des allures de réjouissances macabres. On réitère les interruptions du premier mouvement, parcourues par un gazouillis persistant au premier violon.

Dans le Quatuor à cordes no 7 de Dmitri Chostakovitch, les références à la mort deviennent de moins en moins élusives. Avons-nous quitté le théâtre sans le savoir ? Écrite en mémoire de la première épouse du compositeur, cette œuvre brise l’organisation tonale qui unit l’ensemble de ses quatuors : alors que chacun est écrit au ton de la sus-dominante du précédent, le septième impose la tonalité tragique de fa dièse mineur, alors que la succession des tonalités aurait voulu qu’il soit écrit en mi bémol majeur. Après un premier mouvement espiègle et agité, évocateur de débuts amoureux juvéniles, le deuxième mouvement nous plonge dans une ambiance vaporeuse presque irréelle. Le troisième mouvement s’annonce comme un brusque retour à la réalité : les voix s’ébattent entre elles en des traits brutaux, puis le mouvement s’apaise dans une étrange valse dans la tonalité de départ.

Enfin, dans le Quatuor à cordes no 14, « La Jeune Fille et la Mort », la mort est bien réelle, et il ne s’agit plus d’une mort passée dont on remue le souvenir, mais bien d’une fatalité imminente. Ce n’est pas la disparition d’un être aimé que Schubert dépeint, mais la sienne propre. Sauf quelques brèves éclaircies en majeur, dans la quatrième variation du deuxième mouvement et le trio du scherzo, l’entièreté de l’œuvre est écrite en mineur, ce qui permet à Schubert de déployer toute sa détresse. Les quelques percées lumineuses ne deviennent dès lors que plus émouvantes, comme émergeant d’une mer de désespoir. Celle-ci devient d’ailleurs de plus en plus invitante : après un scherzo dont la deuxième moitié donne à entendre la citation d’un Ländler composé l’année précédente, le quatrième mouvement constitue une véritable plongée dans les ténèbres, qui rappelle à certains égards la Sonate à Kreutzer de Beethoven. Entre le théâtre et la mort, nous ne savons que trop bien qui l’emporte à la fin.


Catherine Harrison-Boisvert

Programme

PURCELL                 Chaconne en sol mineur,
(1659-1695)              Z. 730 (1680)

HAYDN                      Quatuor à cordes op. 20
(1732 -1809)             no 3 (1772)

CHOSTACOVITCH   Quatuor à cordes no 7,
(1906-1975)               op. 108 (1960)

SCHUBERT               Quatuor à cordes no 14
(1797-1828)               en mineur, D. 810 (1824)

                        
                          Kirshbaum Associates